Sons of Philadelphia ★★

29 août 2021

Avec Sons of Philadelphia, Jérémie Guez réalise ici son deuxième long-métrage en s'introduisant dans la mafia irlandaise sans s'intéresser à leur business. Il préfère se focaliser sur la relation tendue de deux cousins, dont l'un vit dans un profond mal-être, subissant les devoirs familiaux. Adapté du roman de Peter Dexter, ce film noir offre un nouveau rôle d'écorché tout en retenu à Matthias Schoenaerts qui semble bien s'intégrer dans un certain paysage américain un an après Nevada.

Peter et Michael sont cousins. Beaucoup pensent qu'ils sont frères. Ils sont les héritiers des affaires peu scrupuleuses familiales, petit à petit mises à mal par la mafia italienne. Dans les rues sombres et froides de Philadelphie, on a l'impression de croiser un ours et une fouine. Pourtant, Peter, le plus imposant, paraît rapidement soumis aux humeurs excentriques de Michael, petit et nerveux, difficile à maîtriser. On peut les imaginer descendants des Peaky Blinders, ayant perdu de la superbe de Tommy Shelby, mais toujours passionnés de combats de boxe (on pense évidemment à Rocky), de courses de chevaux et évidemment empêtrés dans cette éternelle querelle avec les italiens...

Les magouilles mafieuses sont secondaires dans Sons of Philadelphia. Elles ne font que justifier les dommages collatéraux que subissent Peter et quelques proches de la famille. Le film raconte avant tout le mal-être de Peter. Hanté par les malheurs de son enfance, il est plongé dans une profonde dépression qui l'empêche d'avoir la force de changer de vie. Matthias Schoenaerts interprète cet homme massif en retenant sa force et sa haine tout en laissant transparaître une certaine douceur, de la mélancolie dans ses regards et ses gestes. Il a une allure de chien battu. Et le spectateur attend impatiemment qu'il ose se rebeller, qu'il ose tenir tête pour de bon à Michael. Les tensions entre eux sont de plus en plus palpables à mesure que le film avance, surtout à l'arrivée Grace leur amie d'enfance, jouée avec beaucoup d'émotion par Maika Monroe. Joel Kinnaman est quant à lui remarquable dans la manière dont il fait prendre de l'importance et donne du charisme à Michael.

Le film ne dure qu'une heure trente et pourtant semble un peu long. Peut-être que la réalisation manque d'audace en insistant sur des flash-back pesants, la mélancolie et le fatalisme l'emportant sur l'envie de voir l'issue inévitable de cette histoire fratricide. Cependant, la photographie de Menno Mans est remarquable et traduit bien l'environnement rugueux des rues de Philadelphie, le manque de lumière mettant en évidence la noirceur de cette histoire.

Un long entretien de Jérémie Guez vient compléter les bonus du DVD. C'est vraiment très intéressant de connaître son point de vue sur la manière d'aborder l'adaptation du roman de Peter Dexter, lui-même étant auteur de romans policiers. L'excellent Burn Out de Yann Gozlan est d'ailleurs l'adaptation de son livre Balancé dans les cordes. Quand on parle de mafia au cinéma, on a ces visions de films de gangsters dans les années 30, du Parrain et de Scorsese. Étonnamment, ces références n'interpellent aucunement Jérémie Guez qui est plutôt dans une recherche d'authenticité dans les rapports dysfonctionnels d'une famille qui aurait très bien pu se trouver dans un autre niveau social, à la recherche de leurs failles et leurs douleurs.

Sons of Philadelphia est un film international, par les diverses origines de son casting et par ce sujet de famille sous tension qui aurait pu se dérouler n'importe où et n'importe quand ailleurs. Même s'il se déroule à Philadelphie, le film ne rentre dans aucun code de film américain et Jérémie Guez a su lui donner une teinte particulière et personnelle. Il aurait mérité un peu plus de hardiesse pour entretenir l'effet de tension permanente dans son duo orageux.

Sons of Philadelphia est disponible en Blu-Ray, DVD et VOD depuis le 26 août. Édité par The Jokers dont vous pouvez suivre toute l'actualité sur leur site Internet, Facebook et Twitter.

https://www.cinetrafic.fr/film/62039/sons-of-philadelphia