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Nath va au cinéma
18 février 2017

Silence ★★★★

Il aura fallu près de trente ans à Martin Scorcese pour venir à bout de ce projet. Silence aurait du être mis en production après Gangs of New York, mais ce n'est qu'en 2015 qu'il aura enfin pu lancer cet éprouvant tournage. En course pour les Oscars, il offre un film résolument calme et épuré, au message profond, en immersion dans un monde porté par la foi.

Au XVIIème siècle, alors que les européens colonisent le monde et en profitent pour exporter leur religion, un bruit court sur le père Ferreira qui semble avoir renié sa foi lors de sa mission au Japon. Deux de ses anciens élèves, les prêtres jésuites Rodrigues et Garupe quittent le Portugal pour le pays du soleil levant, dans le but de le retrouver, persuadés par son intégrité. Ils vont découvrir une nouvelle culture dans ce pays où le christianisme est illégal mais aussi toute la perfidie des japonais pour lutter contre cette religion, qu'ils considèrent comme un poison. Leur quête les mènera hors des sentiers battus en les questionnant sur l'essence et la puissance de leur foi face à la cruauté qu'elle inspire.

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La religion est un sujet qui préoccupe fortement Martin Scorcese. La croyance en Dieu est souvent présente dans sa filmographie et il a déjà approfondi le sujet dans La dernière tentation du Christ en 1988 puis dans Kundun en 1997. Cette fois-ci, avec Silence, projet mûrement réfléchi, puisqu'il travaille sur le scénario avec Jay Cocks depuis près de trente ans, il titille les origines de la foi et tous les grands questionnements qui vont avec, les doutes comme la force qu'elle peut apporter. Pour cela, ils adaptent le roman de Shusaku Endo, un écrivain catholique japonais qui lui-même y relate les faits tirés d'une histoire vraie, dont la thématique est la persécution des missionnaires jésuites dans le Japon du XVIIème siècle.

Silence est un titre fort en signification. Cela évoque à la fois le silence de Dieu lorsque ses fidèles implorent son aide, mais aussi celui qu'ils s'imposent face aux tortures qui leur sont infligées. Le silence est fortement présent dans le film, parfois apaisant, parfois inquiétant. Il entoure son personnage principal incarné par Andrew Gardfiel, possédé par la grâce, il hante l'image jusqu'à ce générique sans musique, habillé seulement du bruit de cette nature si calme qui appelle à la réflexion, car on ne peut pas rester indifférent à ce qu'on vient de voir et d'éprouver. Le silence est un personnage à part entière, il évoque aussi ces petits villages que les deux prêtres vont découvrir, peuplés de japonais chrétiens qui doivent se cacher pour vivre leur foi... en silence.

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Bien que tourné à Taïwan pour des raisons économiques, l'ambiance et les paysages plongent le spectateur dans un Japon ancien tel qu'on se l'imagine. Les paysages sont magnifiques, grandioses, humides, brumeux, boueux, ils sont aussi un adversaire supplémentaire pour Rodrigues et Garupe. Ces deux prêtres sont comme des frères, réduits à l'état de vagabonds dans ce pays qui ne veut pas d'eux. De plus, le choix de filmer en pellicule 35mm amplifie la poésie des images par son grain et ses teintes plus douces qu'avec du numérique. Cette configuration des deux frères est souvent présente dans la filmographie du réalisateur. Ici, leur relation semble parfois ambiguë, il n'ont plus que l'un et l'autre pour se donner du courage face à cette foi qui commence à les faire douter face à la brutalité à laquelle ils doivent faire face.

Le doute les mènerait à perdre leur foi, mais cela aussi est pourtant inconcevable. Cette torture mentale est directement confrontée à celle que subissent les fidèles chrétiens japonais, et en cela on est servi par toute l'imagination perfide des services de l'Inquisiteur. Pourtant, on se pose parfois la question de ce que signifie la foi pour eux. Ainsi les deux européens découvrent des croyants récemment convertis, mais doivent faire face à des incompréhensions. Le personnage remarquablement joué par Adam Driver va, lui, perdre souvent patience car il s'impose une conduite droite, alors que celui interprété par Andrew Gardfield va être plus perturbé et va faire surgir tout un questionnement sur sa foi, et va donc douter de la présence de Dieu à leur côté, de sa force, de sa véracité. C'est un combat contre lui-même qu'il va finalement devoir mener.

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Le choix du casting est impeccable. Le duo jeune et fougueux formé par Andrew Gardfield et Adam Driver est indispensable pour incarner ces jeunes pionniers, ils ressemblent plus à des explorateurs qu'à des prêtres établis, la fébrilité qu'ils ressentent face à ces choses qu'ils ne connaissent pas est palpable mais on ressent aussi beaucoup de courage en eux. Puis il y a la figure du modèle, ce prêtre qui leur a tout appris et qui aurait pourtant trahi son Dieu. Il fallait un physique plus imposant pour lui et c'est naturellement Liam Neeson qui le personnifie. Côté japonnais, chaque acteur a une forte présence lors de son passage à l'écran. Ainsi Issey Oida est génial en grand Inquisiteur, vieil homme de pouvoir qui sait humilier subtilement ses sujets et qui sait surtout obtenir ce qu'il veut. Mais il y a surtout Yosuke Kubozuka, une star pour la jeune génération japonaise, qui incarne Kichijiro. Il est sûrement le personnage le plus complexe et le plus captivant du film, parfois sauveur, parfois traitre, on ne sait pas bien sur quel pied danser avec lui. Il évoque évidemment la figure de Judas.

Silence s'impose par sa beauté, sa violence et sa solennité. Le temps s'arrête, on ne voit passer les 2h41 du film. Martin Scorcese offre un nouveau chef d'œuvre à son impressionnante filmographie, comme un film un peu à part tellement il est calme et épuré, mais aussi peut-être plus personnel, tout en évoquant des grands thèmes fréquemment abordés par le cinéaste, comme la fraternité et la religion. Il aborde des sujets pas forcément simple à filmer, en commençant par la quête intérieure, mais aussi la persécution et la clandestinité, sur un fait historique peu connu des occidentaux. Silence est une pièce unique, rendant grâce au sacré tout en dévoilant la terreur et la cruauté qui s'y oppose.

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Commentaires
Nath va au cinéma
  • Nath vous parle des films qu'elle a vus. ★★★★ : Méga super bien — ★★★ : Très bien — ★★ : Pas trop mal — ★ : Bof — ☄ (comète) : Ce film est un ovni, je ne sais pas si j'adore ou pas mais ça ne m'a pas laissé indifférente
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