Gagarine ★★★

Un nom : Gagarine. Youri. Ce russe symbole de la conquête spatiale, héros d'une nation, évoquant force et détermination. Une affiche : trois jeunes à l'allure vive et insouciante, des blocs de banlieue derrière eux, une lumière solaire et la lune bienveillante, toujours fascinante, immense au-dessus d'eux dans un ciel dégagé. Gagarine, c'est le nom qui trône sur cette affiche, cela semble étrange, quel est le rapport entre le cosmonaute russe et ces jeunes de banlieue parisienne ? À Ivry-sur-Seine, une immense cité aux briques rouges a été nommée Gagarine au début des années 60. Le film s'ouvre sur des images d'archive montrant les nouveaux habitants accueillant en liesse Youri Gagarine venant inaugurer leur cité, des images de ces gens n'osant pas rêver d'accomplir une prouesse humaine telle qu'a pu vivre leur héros...

Soixante ans plus tard, le seul qui se permet de rêver des étoiles, c'est le jeune Youri, héros moderne, si bienveillant, si solidaire et si ancré dans ces murs qui s'effritent. Il fait partie des seuls à croire qu'il peut sauver Gagarine. L'espoir fait vivre dit-on, et ce film empli d'onirisme ne tombe jamais dans le fatalisme malgré les situations auxquelles les personnages font face. C'est surtout rare de filmer la banlieue, un ensemble HLM, de cette manière. Fanny Liatard et Jérémy Trouilh ont choisi de transformer un drame social en conte effleurant les étoiles, sans violence, sans fatalisme.

Alors que Youri est livré à lui-même par l'absence de sa mère, les immeubles HLM sont eux-aussi abandonnés par l'État. Des centaines de familles doivent se résoudre à trouver un nouveau logement, épreuve difficile pour une bonne partie d'entre elles vue de leurs situations sociales. C'est attendrissant de voir Youri et son ami Houssam tenter d'améliorer leurs murs, mais il faut se rendre à l'évidence, ce n'est pas par la générosité de ces quelques jeunes qu'une cité va être sauvée. Une fois érigés, ces murs ont vécu sans entretien, les installations deviennent vétustes, seule solution : la démolition. Le fond de cette histoire est réellement dramatique, entre le rôle inexistant de l'État auprès de ces familles, Youri qui a été littéralement abandonné... Pourtant, la joie et la douceur règnent en maître dans les images à l'esthétique rendant sublime cette cité en ruine, le rêve l'emporte.

Même si l'affiche nous présente un trio, Lyna Khoudri et Alséni Bathily sont rayonnants. La première, aperçue dans Hors Normes et héroïne de l'excellent Papicha, interprète Diana, une jeune Rom débrouillarde qui illumine la vie du second, Youri. Elle est sa bonne étoile. Quant à Alséni Bathily, qui joue ici son premier rôle, il est immédiatement touchant et très attachant. Son jeu est nuancé tout en subtilité, son personnage vit tout de même une épreuve abominable entre l'abandon de sa mère et le fait de se retrouver seul dans cette immense cité qu'il ne sait pas quitter. Du côté des rôles secondaires, on remarque avec plaisir Jamil McCraven qui joue Houssam l'ami de Youri, tout aussi attachant. Il a déjà quelques rôles à son actif et a croisé Finnegan Oldfield sur le tournage de Nocturama. Alors que ce dernier est peut-être le personnage qu'on aurait le plus envie de détester, son évolution le rend tout aussi touchant et on ressentira finalement de l'empathie et une certaine tendresse pour tous.

Gagarine aura été une belle surprise, un conte étoilé inattendu, doux, généreux, onirique. Grâce à une mise en scène inspirée, sans préjugés, avec justesse et délicatesse, Fanny Liatard et Jérémy Trouilh rendent le plus bel hommage aux habitants de Gagarine. 

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Gagarine, sorti au ciné le 23 juin 2021, 1h38