El Clan ★★★★

Nouveau coup de coeur cette année avec El Clan de l'argentin Pablo Trapero. Lui, c'est le maître du plan séquence et ils nous en offre de bien beaux dans ce film qui parle d'une histoire vraie tellement folle qu'on dirait bien qu'elle était écrite pour le cinéma !

Petit résumé :
Nous voici dans l'Argentine du début des années 80 qui passe progressivement à la démocratie après des années de dictature et de corruption. Arquimedes Puccio continue, malgré tout, ses activités criminelles en se faisant aider par son fils, Alejandro, star de l'équipe nationale de rugby. Ils enlèvent impunément des personnes de bonne famille, mais les assassinent même après le paiement de la rançon. La famille Puccio se cache derrière la notoriété du fils et a une apparence tellement respectable qu'elle échappe à tout soupçon. 

El Clan, en plus d'être un des faits divers le plus incroyable qui existe, est aussi l'histoire d'un père machiavélique qui règne sur son clan comme un petit dictateur. Les plus jeunes de ses enfants devinent bien ce qui se passent entre les murs de leur maison, mais personne n'émet de doute. Il y a ceux qui se taisent dans l'intérêt général, ceux qui sont dans le déni certainement, et puis ceux qui doivent coopérer. Dans un sens, ils récoltent une fortune qui leur permet de vivre correctement, alors pourquoi remettre tout ceci en question ?

Tout ne se passe pas si bien que ça. D'abord, la chute de la dictature contraint Arquimedes de continuer ses opérations sans plus aucune protection du gouvernement. En même temps, Alejandro connaît le succès avec les Pumas et ouvre sa propre boutique de sport, tombe amoureux et tente d'arrêter d'aider son père. Un conflit silencieux éclate, on ressent la tension entre eux. Le père est toujours d'apparence très calme et charismatique, ce qui le rend encore plus inquiétant et machiavélique. Le fils est plus impulsif mais est contraint à respecter son père plus que tout...

La mise en scène est excellente, les plans séquences sont tellement bien rythmés qu'on ne se rend pas compte de ce point de vue unique qui suit l'action, alors qu'on est de plus en plus habitué à des montages frénétiques changeant de plan toutes les quelques secondes. On est immergé dans l'histoire sans pouvoir rien anticiper. On dirait un très bon thriller américain, et la bande son nous conforte presque dans cette idée avec tous ces morceaux de rock anglophone. Trapero montre avec intelligence les travers de cette famille dans le déni, dont les liens du sang permettent tout, sans aucune morale, et dont le patriarche est une figure quasi divine, mais le plus fou et le plus manipulateur de tous. Les regrets et les remords n'existent pas chez eux.

Pour incarner le chef du clan à l'écran, Guillermo Francella est ici choisi à contre emploi. Populaire en Argentine comme acteur comique, il doit ici faire peur et non rire. Il a fait un travail extraordinaire, en plus d'une transformation physique, il a changé ses manières de parler, de se déplacer et même de respirer. Il devait se contenir, lui qui est très expressif et qui bouge beaucoup d'habitude, pour devenir son personnage d'un froid terrifiant. Il parait que le réalisateur lui interdisait de cligner des yeux pour garder toute son intensité glaciale. L'effet fonctionne en tout cas, Arquimedes est très intimidant.

L'apothéose est dans la scène finale, autant en prouesse technique qu'en effet narratif. On ne s'attend pas à ce qu'il va se passer à moins d'être devin, ou de bien connaître ce fait divers invraisemblable. Cette dernière scène nous offre un dernier plan séquence extraordinaire où la tension monte en puissance et une dernière confrontation perverse entre un père et un fils, tous les deux têtus jusqu'au bout.

Je ne saurais que vous conseiller d'aller voir El Clan, déjà pour changer un peu des films américains du genre, mais aussi pour profiter d'une très bonne mise en scène, rythmée et esthétique. La dualité père-fils est vraiment bien traitée, le spectateur ne peut pas rester indifférent entre le malaise et l'amusement qu'elle provoque.