24 mensonges par seconde

14 septembre 2015

Je viens dépoussiérer ce blog, enfin ! Cependant, je ne vous parlerai pas d'un film récemment sorti, du moins pas encore (plus que quelques semaines de patience avant de retrouver les salles obscures), mais de mensonges !

Vous savez très certainement qu'une seconde de vidéo est composée de 24 images. Sur une pellicule, une fois installée dans un projecteur, ces images prennent vie. Mais imaginez que toutes ces images soient des mensonges, vos mensonges !

Non, je ne pars pas dans un délire philosophique, je vous parle d'un projet ambitieux et fantastique tout droit sorti de la tête de Bruno Bouchard, un amoureux du cinéma qui croit en l'avenir de la pellicule (il a bien raison) et cherche, à sa manière, à lui donner une nouvelle vie. Décembre 2013, il ressort de son grenier des bobines 35mm de bandes-annonces récupérées depuis bien longtemps. Il les coupe toutes les 240 images et propose via facebook, au monde entier, de se ré-approprier ces 10 secondes ainsi devenues des "mensonges". Un joli clin d'oeil à la citation de Jean-Luc Godard dans Le petit soldat : "La photographie, c'est la vérité et le cinéma, c'est vingt-quatre fois la vérité par seconde."

Sans altérer la bande son qui se trouve à gauche de la pellicule, Bruno propose aux curieux de gratter, peindre, trouer, dessiner, etc sur les photogrammes. Ainsi, contre un don de 5 euros qui servira aux frais d'envoi et à numériser le film plus tard, chaque participant reçoit un bout de pellicule et le personnalise à sa guise. Une fois l'oeuvre terminée, elle est retournée à Bruno qui organise aussi des ateliers de montage à l'ancienne un peu partout en France et au-delà, au fil de festivals et d'ateliers (Off Courts à Trouville, Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand, FICAM au Maroc...).

Si je vous en parle, c'est bien parce que j'ai participé à ce magnifique projet l'année dernière. Je l'ai découvert il y a tout juste un an au Festival Off Courts. Je n'y étais que de passage et j'étais attirée comme un aimant par une petite salle dans laquelle étaient exposés des bouts de pellicule qui étaient remplies de dessins, de trous, de rayures... Il y avait aussi des photos de gens en train de créer des mensonges, des témoignages. Puis lors de la soirée d'ouverture, une bande annonce du projet était diffusée. Une série de plusieurs "10 secondes" de films passe, bout à bout, on pourrait croire à une histoire décousue, mais pourtant, les images qui s'animent comme un dessin animé expérimental m'hypnotisent. J'y ai trouvé du sens, peut-être parce que ce projet est humain, rassemble des gens, fait s'exprimer chacun d'entre eux, je trouve ça beau. C'est décidé, je veux participer.

Le lendemain matin avant de rejoindre la gare, je vais récupérer mon bout de pellicule. Et en plus, il y a un effet kinder surprise, j'en pioche une au hasard dans une boite. Je ne sais pas sur quel film je suis tombée et je décide de le découvrir une fois arrivée chez moi. Ô surprise, ô joie, je découvre un bout de la bande annonce des Noces Funèbres de Tim Burton ! J'adore Tim Burton, quand j'étais enfant je rêvais de faire des dessins animés (et d'aller dans l'espace, mais je m'éloigne du sujet), c'est comme si je réalisais ce rêve. La petite anecdote c'est que je préparais mon mariage à ce moment-là, c'est un petit hasard qui m'a beaucoup plu de tomber sur ce film !

J'ai donc ressorti un boîtier transparent de cassette-vidéo sur le bon conseil de Bruno pour me fabriquer une mini table lumineuse, en y plaçant une lampe à l'intérieur. Armée de la pointe d'un compas, de feutres et surtout d'une loupe pour mieux voir ces miniatures de photogrammes, je me lance dans ma petite aventure mensongère au fil des week-ends pour gratter et gribouiller sur presque 4 mètres de pellicule. Je n'ai aucune idée du temps que j'y ai passé. Je l'ai fait en plusieurs fois, comme un passe-temps agréable, comme quand on s'installe dans un fauteuil conformatble à lire un bon bouquin.

Je n'ai pas voulu dégrader le film, ni masquer l'histoire originale, simplement intervenir par dessus. Ainsi je rajoute des accessoires aux personnages, je les colorie, je les inonde de motifs tout autour d'eux. Chacune de mes séances de travail m'inspire des couleurs ou des formes. Ce n'est que mon grattage presque abouti que je me rends compte que j'avais déjà plus ou moins la même démarche enfant. Il m'arrivait bien souvent de prendre des magasines qui trainaient et je customisais les photos en rajoutant des moustaches, du maquillage, des tatouages et des décors imaginaires derrière les stars en couverture.

Ma petite bobine a été retournée à son maître, en espérant un jour découvrir le résultat sur un grand écran ou un dvd. Ce projet pourrait être infini, qui sait ?

Comme des centaines d'anonymes, mais aussi comme Arnaud Desplechin ou Michel Ocelot, venez rejoindre cette grande aventure humaine, ce projet collectif mondial pour créer un film unique, tout plein de mensonges et devenez vous aussi des gratteurs et des gratteuses !

Site internet du projet : http://www.24mensongesparseconde.com/
Page facebook pour suivre les aventures : https://www.facebook.com/24mensongesparseconde

Et pour vous donner envie si ce n'est pas déjà fait, voici une petite démo :